Alexander ne regardait jamais la météo – en même temps, en ayant pas la télévision, il ne risquait pas de le faire – et donc n'avait entendu parler de l'avis de tempête que par une personne passant là où il jouait normalement. Il avait eu l'air de vouloir s'installer comme à son habitude mais l'individu était venu le voir, le ciel était déjà noir mais cela ne rebutait jamais le brun, enfin... jusqu'à ce qu'il entende les paroles suivantes :

« Reste pas là mon gars, la tempête arrive, tout le monde se met à l'abri. »

Son premier réflexe avait franchement été de rentrer chez lui, hors en chemin il avait croisé des véhicules de pompier, de policiers, tous lui avait dit de se rendre au stade pour s'abriter, que les logements n'étaient pas sûrs en ce moment. À nouveau une ombre passait sur le visage du jeune homme, se retrouver enfermer avec des gens ? Ce n'était pas son truc... il aurait encore préféré rester dans son petit appartement qui prenait l'eau, à trembler dans son coin en entendant l'orage. Oui à son âge il avait encore peur du tonnerre, au moins autant que du noir.

Enfin en tout cas, il était entré trempé dans le stade et s'ébrouait en éclaboussant partout autours de lui. Sa veste en laine ? Elle avait l'air d'une serpillière maintenant et Alex la retirait pour la tordre, acceptait ensuite un bol de soupe encore fumant. Il avait horreur de la soupe... mais là, il était gelé et il avait fin alors... même s'il avait l'impression d'être l'un de ces SDF à qui l'on faisait la charité, il acceptait ce dernier sans broncher et allait s'installer n'importe où et surtout loin des gens. Il ne connaissait personne ici, enfin.. un visage par-ci par-là, mais aucune affinité et c'était tout aussi bien.

De toute manière il avait de quoi s'occuper son ''bébé'' était totalement trempé, la pluie n'avait pas épargnée sa guitare et il lui fallait la sécher. Avec sa veste tiens... après l'avoir si bien tordue plus tôt, elle était la chose la plus sèche qu'il avait sur lui. Ce n'était pas très utile et il fallut bien se résoudre à aller vers une autre personne, tenter d'avoir l'air cordial, ne pas montrer sa méfiance et afficher un sourire. Non, c'était juste une farce, il ne pouvait pas agir de cette manière, ce ne serait pas digne du ''grand'' Alexander Mitchell. C'est ainsi qu'il arborait encore cet air farouche en abordant la première personne qui passait par là, espérant qu'il n'avait pas trop l'air d'un clochard, beaucoup le prenait pour cela parfois.

« Hey ! Vous auriez pas un truc sec ET pas trop crade, comme un mouchoir ou autre chose ? »

S'il vous plaît merci ? Bouah, ce n'était pas le moment de lui dire d'être poli, il était d'une humeur telle qu'en ce moment, il pensait plus à sa perte d'argent à cause du temps que savoir les dégâts qui pouvaient même être causés à l'extérieur.

Le fait que l'inconnu – bah oui, il ne connaissait pas le nom de David – ne s'insurge pas de son manque de politesse laissa Alexander totalement pantois durant un instant. D'habitude, il se prenait toujours une remarque acide des personnes envers qui il n'était pas des plus courtois. Ce qui, vous vous en doutez peut-être, était plus que fréquent.

Pourquoi ? Oh et bien... il y avait les fois où Alex était ivre et donc provoquait des bagarres ; les jours où il était si fatigué que le moindre regard de travers déclenchait une dispute et enfin... les jours où il était simplement de mauvaise humeur – soit les trois quart du temps.

Enfin tout ça pour dire qu'il s'attendait à une remarque acerbe, acide, pour lui dire que s'il n'était pas poli il pouvait toujours aller se gratter – pour être poli – pour avoir son chiffon. Mais au lieu de cela, l'homme était partit un instant, lui faisait en même temps part de son désir de lui apporter une couverture car il devait être congelé. Congelé.. ? Aux dernières nouvelles il n'était pas allé s'enfermer dans un congélateur...

…

…

Oh vous entendez aussi les cigales ? Le coassement des corbeaux ? C'est normal, vous venez de vivre un moment que l'on nomme les « Alexandrites » à savoir... l'humour pourri par excellence, les blagues – parfois internes heureusement – qui échappaient au jeune homme quand il avait la trouille lors d'une tempête. Comme en ce moment quoi, le vent qui grondait faisait grimper de longs frissons dans le dos du jeune homme.

Premier réflexe ? S'enrouler dans la couverture, elle était en effet douce et émanait d'une chaleur agréable. Au moins, il ne mourrait pas de froid, même si le rhume était plus que probable vu l'averse qu'il avait prise sur le coin du nez.

Bien que cela lui en coûte, pas par manque de politesse mais parce qu'il était encore redevable à quelqu'un et ça le rendait grognon, Alex marmonnait un remerciement avant de s'atteler à l’essuyage de son instrument fétiche avant de relever la tête. Pourquoi ce type lui racontait qu'il avait commencé la guitare lors de son adolescence mais avait dû arrêter ? En quoi était-ce son problème si cet homme avait été assez idiot pour abandonner, sans doute pour de futiles raisons ? C'était toujours ainsi de toute manière, les amateurs se stoppait soit pour ne pas apprendre les accords, soit parce que le solfège était trop laborieux pour eux, soit encore parce que c'était une lubie passagère – le propre d'une lubie quoi.

Donc franchement... ? Il s'en fichait pas mal mais en même temps, vu que ce type qui devait avoir quoi... trente ans lui aussi... venait de l'aider, il ne pouvait pas simplement lui demander de partir. Oui, il jaugeait mal l'âge des gens, mais était-ce bien important quand il y avait une tempête dehors ? Pas le moins du monde.

« Si je comprend bien... vous voulez que je vous apprenne à jouer ? Vous me payez combien ? » demandait-il aussitôt, loin de perdre le nord. « J'ai vite appris que tout se paye dans ce monde, donc si vous me donnez un prix intéressant, j'accepte. »

Plus honnêtement, vingt euro, même quinze suffirait à le rendre heureux et il ne comptait pas demander plus.

« Au fait, je suis Alexander Mitchell, mais... tout ceux qui me connaisse un peu m'appelle Alex. Vous avez le droit de m'appeler comme ça aussi, jusqu'à ce qu'on sorte d'ici. »

Autant être dans une entente somme toute cordiale le temps de la tempête, s'ils devaient rester ici plusieurs jours, il ne fallait pas se battre avec tout le monde. C'est ce que lui dirait en tout cas le flic avec qui il avait parlé quelques fois. Celui qui pensait qu'il était un gamin enlevé, dans la série de kidnapping ayant frappé Dublin il y a quelques années déjà. Cette histoire lui filait des cauchemars d'ailleurs, des rêves qu'il n'avait plus fait depuis... depuis son enfance en fait.

Nouveau coups de vent violent, le vacarme que cela provoquait donnait l'impression de milliers d'esprits en colère tentant d'entrer pour l'emporter. Le sursaut qui prit le jeune homme fût d'ailleurs assez fort pour le faire passer pour un gamin en pleine terreur nocturne. Et bien... la journée - soirée? Il ne savait plus - promettait d'être longue...

Avec d'un côté un gamin très impoli et de l'autre, un type qui était l’extrême opposé, on pourrait presque s'attendre à quelques étincelles mais non. Bon très franchement, Alexander était généralement agacé par les personnes se comportement tout à fait correctement, cela manquait d'honnêteté et de fun pour lui – puis mince, il avait pas été éduqué chez les bourges ! - mais bon, il n'était pas non plus un sauvage et retenait un grondement en entendant l'histoire de ce type. Retrouver son fils ? C'est sur que s'il restait ici à lui tenir la jambe – à causer quoi – et lui raconter sa vie, il allait vachement voir si son gamin avait été aussi envoyé avec les autres.

Il ne comprenait pas toute l'histoire comme vous l'aurez vu. Si la façon dont Linkfield était pourtant claire, Alex avait laissé son cerveau au vestiaire, ou en tout cas il jouait à faire l'idiot. Mais ce qui décocha chez lui un regard noir, se fut que l'on lui propose de le payer pour qu'il joue à défaut de donner un cours. Dans la rue, il jouait pour cela, mais en pleine tempête ? Il aurait de toute manière pris son instrument, ne serais-ce que pour se détendre et potentiellement apporter un peu de réconfort aux personnes alentours.

« Vous n'allez pas me payer pour quelque chose que j'aurais fait avec ou sans vous. Je ne suis pas un SDF à qui on propose de l'argent juste pour lui faire plaisir. » crachait-il avec dédain, reprenant ensuite, le plus naturellement du monde. « Je n'aime pas qu'on me fasse la charité et je ne veux qu'être payé pour un travail. »

Et il était en même temps très bête, tout ça à cause de sa fichue fierté, il venait de refuser vingt euros. Mais aussi, pour lui qui avait appris à jouer de bons morceaux en fonction de ses goûts, il était frustrant de s'entendre proposer de « jouer un air » et d'avoir la carotte du « plus » selon son niveau par un parfait novice. Non mais franchement, il se prenait pour qui ce type ? Ils avaient pas élevés les cochons ensemble ! Et voilà, il était – encore – de mauvaise humeur... fantastique ! Cela se sentait plus encore avec la maladresse – un peu vache – de ses paroles suivantes.

« Peut-être que votre gamin n'a pas envie que vous le retrouviez. Il y en a des tonnes comme ça, si vous saviez le nombre de jeunes dans la rue qui m'ont racontés ne pas vouloir être retrouvés par leurs familles, à croire que tous ceux qui deviennent parents sont nés pour rendre dingues leurs rejetons. »

Lui aussi il avait eu un cas en tant que parent, mais il était fier de son parcourt et ne changerait rien du tout. Enfin, en tout cas, pas sa profession. La mère, il la vendrait bien sur adopte-un-parent.com, même s'il doutait qu'un tel site puisse exister. Puis, il n'avait pas internet de toute manière.

Un David hein ? Quelconque comme prénom – Oh arrête de faire ta diva difficile Alex, tu ne peux pas juger une personne à son prénom – et le plus jeune retenait de justesse un rire en entendant le surnom de Dave. Cela dit, le sourire lui restait affiché sur son visage. Dave... ça faisait chanteur de cabaret français, avec les costumes à paillettes rétros et les pantalons à franges ! Un peu à la Village-People. D'ailleurs, sauf erreur de sa part, il y avait un chanteur français – ou francophone en tout cas – qui se nommait comme ça.

Son sourire partait ensuite. Comment ça il était étrange ? Pourquoi tout le monde lui sortait qu'il était étrange ? Entre la fois où on avait dût lui expliquer ce que voulait dire porter plainte – et le flic de l'accueil qui lui avait fait remarquer son étrangeté – la personne l'ayant emmené de même, ceux l'ayant envoyé ici aussi, parce qu'il ne comprenait pas l'intérêt d'aller se barricader ici, surtout que son appartement allait prendre l'eau avec sa fenêtre qui s'ouvrait seule... non franchement, il ne voyait pas ce qu'il avait d'étrange

Hey mais il est fou lui ! Pourquoi il me touche ? Ok j'ai sursauté mais ça ne veut pas dire que j'ai eu peur /mauvaise fois quand tu nous tiens/ et maintenant il me sort un baratin sur le fait qu'il est certain que l'on ne nous auraient pas envoyés ici s'il y avait le moindre danger d'effondrement ? Il est d'un rassurant je vous jure ! Pourquoi il parle de politique ? Je vote jamais moi, je me sers de leur programme pour sécher mes chaussures et puis... la paperasse c'est pas mon truc, c'est à peine si je pense à faire ma carte d'identité quand elle est terminée. C'est d'ailleurs le seul papier d'identité qui soit en ma possession. Même pas de certificat de naissance, jamais trouvé dans les affaires de ma mère.

Bref comme vous pouvez le voir, la distraction de David a fonctionné, Alexander est totalement partit dans un débat interne et ne pense plus à l'orage pendant un petit moment, puis lui revient la réplique de ce type, il était étrange ? Non mais oh ! Il allait voir lui !

« Je ne suis pas étrange, c'est les autres qui sont trop conditionnés pour moi. Tout le monde fait comme son voisin, et parce que j'ai choisi de vivre différemment, tout de suite ça me rend étrange. Mais à mes yeux, vous l'êtes tout autant croyez-moi. » expliquait alors le jeune homme, désignant la foule autour d'eux, dispersé dans le stade. « Ici vous avez de tout, des médecins, des policiers, des vendeurs, des professeurs, des gérants de pubs... pourquoi ? Parce qu'on leur a appris qu'il fallait un métier normal ou qui rapporte. Combien ici ont choisis de faire ce qu'il voulait simplement par passion, même si ça veut dire peu de moyen ? Très peu à mon avis. Combien vont avoir pensé à ramener ici aussi les personnes sans-abris, qui n'ont rien pour les prévenir et n'auront rien d'autre qu'un pont ou n'importe quoi pour se protéger ? »

Après tout, on ne l'avait prévenu que parce que beaucoup savait qu'il avait son logement et qu'il y rentrerait prompto vu ce temps. Mais au fond, il aurait été au sec chez lui et ne pouvait s'empêcher de penser à ceux qui vivaient à la rue. Il n'avait en effet que peu foi en la société et au fait qu'elle pense à abriter tout le monde, qu'importe leurs conditions de vie.

Cela étant dit, le jeune homme cessait son discourt et décidait plutôt d'accorder à nouveau son instrument, ce qui lui prit quelques instants, avant de tout de même décider d'enfin jouer quelque chose. S'il n'avait pas la télévision, il avait au moins un radio et un lecteur CD – datant de la préhistoire mais quand même – ce qui lui permettait de bien saisir la façon dont une musique était jouée. Récemment, il avait découvert un groupe français – Indochine s'il se souvenait bien – par le biais d'une jeune fille ayant fait un séjour là-bas en étudiante, il avait adoré le morceau « College Boy » même s'il avait été horrifié par la cruauté mise en avant dans le clip – oui il vivait encore un peu chez les bisounours – mais c'est ce morceau qu'il se mit à jouer, à chanter aussi, avec un fort accent vu qu'il n'avait jamais étudié le français avec beaucoup d'intérêt. Si ça ne plaisait pas à David, et bien tant pis pour lui, nah !

Ah tiens, tout en commençant à jouer, en regardant un peu partout et surtout au loin, Alexander venait de remarquer Lloyd en charmante compagnie. Un sourire étirait ses lèvres, encore un qui ne perdait pas le nord. Bah... quitte à être coincé ici, autant se faire plaisir hein! Même s'il se faisait sans doute des idées, se dire que le flic-gentil draguait ouvertement pendant une tempête l'amusait plus que de raison.

L'event est à présent terminé ! Merci de votre participation !