Que la vérité éclate

02::07::2013

S'il y avait bien une chose que tu détestais dans ton métier, c'était les affaires non résolues. L'idée de voir des meurtriers et des braqueurs de banque se balader dans le pays te donnait la nausée. Certes ton cœur n'allait pas à l'Irlande, tu étais plus préoccupé par la sécurité de ta propre nation, mais c'était au final du pareil au même. L'autre jour en traînant du côté des petits rayons d'une épicerie, tu avais remarqué deux gamines, certainement des collégiennes, ou des lycéennes, qui essayaient de voler des cosmétiques à bas-prix. Ni une ni deux tu les avais attrapé par le col et les avais envoyé au vigile pour leur donner une bonne correction, ce qu'elles méritaient bien évidemment. Un petit sourire au coin des lèvres, pour être passé pour un vrai connard, tu retournas au poste de police du centre-ville pour reprendre ton travail. Il n'y avait pas grand chose à faire dans cette ville, et là où ta spécialité t'avait bien servi à Cardiff, ici elle ne t'étais d'utilité que pour t'amuser, ou par pur réflexe. Tu devais enquêter sur ce groupe à la noix qui se prenait pour les célèbres « anonymous », mais pour l'instant tu n'avais aucune piste, et ces fichus Irlandais avaient tendance à te laisser seul sur l'affaire. Le plus grave dans tout ça était de se dire qu'apparemment certains habitants de la ville, et de celles alentours, se prêtaient au jeu en alimentant les rumeurs, ceux-là seraient vite trouvés, car mal protégés virtuellement. Et le plus dérangeant était de voir qu'apparemment certaines de ces rumeurs étaient vraies. D'ailleurs quand toi-même tu avais vu ce post sur Edwood et toi, tu n'avais pu t'empêcher de sourciller. Ce n'était pas Edwood qui t'avait fait des avances, c'était bien toi, et tu ne pensais pas non plus qu'il était un réel tombeur. Tu te demandais comment faisait ce blog pour en savoir autant. Ils étaient plusieurs sur le coup, c'était indéniable, et semblaient partout à la fois, bien informés, par des tierces personnes ?

Le café dégueulasse du bureau ne t'aida pas plus à réfléchir, autant aller s'enfermer dans un placard à balais. Tu décidas de te pencher plutôt sur l'une de ces fameuses affaires non élucidées qui remontait à presque vingt ans, autant dire que les enquêteurs avaient abandonné depuis longtemps. C'était une affaire nationale qui avait secoué l'Irlande, une série d'enlèvement successifs dans la capitale avait suffi à retourner le pays dans tous les sens. Le pire était de se dire que jamais aucun des gosses n'avait été retrouvé, et que tous avaient disparu dans le même foutu parc. Ça restreignait pas mal le champ d'action du kidnappeur, car oui, pour toi, tous ces enlèvements étaient liés. Pas moyen non plus de remettre la main sur ces gosses de nos jours, ils s'étaient juste volatilisés. Et tu te voyais mal débarquer à Dublin en questionnant tous les adultes de la ville et en leur demandant s'ils n'avaient pas des souvenirs bizarres, un parent étrange, une tarée de mère ? Non, c'était juste impossible, et tu mettrais des mois et des mois. Tu ne savais pas trop par où commencer, peut-être en cherchant les cas psychiatriques graves recensés dans la capitale, ou même vérifier certains casiers judiciaires, relever des comportements étranges, renfermés de certains élèves en primaire dans des écoles de la ville... Oui, ça tu pouvais aisément le faire. Tous les chemins mènent à Rome, enfin là en l’occurrence, au taré ou à la folle dingue qui s'amusait à l'époque à enlever des gosses. On avait bien retrouvé cette Autrichienne ou tu ne sais plus qui ni de quel pays après des années et des années, alors pourquoi pas eux aussi ?

Ce ne fut qu'à la pause déjeuner, quand l'un de tes collègues ramena des pizzas pour tout le monde, que tu t'accorda une courte pause avant de contacter tes cibles à Dublin. Tout le monde se foutait bien de cette affaire, toi tu ne renoncerais pas, malgré le fait que ces gamins étaient aujourd'hui des adultes. Tu engloutis tes parts de pizza et ton soda comme un glouton, tu n'avais rien mangé le matin, et à peine le repas fini, on t'envoya traîner d'une petite affaire. Un type était arrivé pour tu ne savais quelle raison, au moins tu ne tarderais pas à l'apprendre. Installé en face du brun aux cheveux longs, tu pris tes aises, comme d'habitude. « Je suis l'agent Grammar, je peux vous aider ? ». Voilà qui allait mettre des battons dans les roues de ton affaire. Comme si ton supérieur ne savait pas ce que tu faisais, non, te tourner les pouces n'était pas dans ton vocabulaire, pas au boulot en tout cas. Mais bon, il fallait bien que quelqu'un s'occupe de ce jeune homme.

Que la vérité éclate

02::07::2013

Quand tu vois arriver ce grand brun, tu te dis que franchement, les postes de police passent pour être des secours populaire ou tu ne sais encore quel refuge pour clochards. Pas qu'il y en ait énormément dans cette ville, ou alors ce type a une vision de la mode très décalée et mithée. Tu le suis du coin de l’œil quand il s’assoit en face de toi et l'air résolument sérieux, tu prends un bloc-note, un formulaire à remplir et un stylo avec lequel tu t'amuses quand tu t'ennuies entre ces quatre murs. La victime te désigna sa guitare tandis qu'il expliquait la situation. Le genre de cas qui n'est plus rare de nos jours, à savoir que voler une tasse ou un chapeau avec des pièces et des billets était facile, surtout dans un parc bondé de monde. Sauf qu'il fallait ajouter le facteur « pitié » dans la plainte. Il ne pourrait pas manger le soir-même sans cet argent, sauf qu'il y aurait un bien maigre espoir de retrouver le voleur avant cette échéance, de le retrouver tout court même. Seulement là, ce n'était plus à Cardiff que tu bossais, mais dans une petite ville. Voilà pourquoi les flics du coin prenaient encore la peine de s'occuper de cette affaire.

Tu remplis les premières cases du formulaire à sa place ; vol en place publique, et cetera, on ne sait jamais, sous le coup du stress il pouvait bien être capable d'écrire n'importe quoi. Après quoi tu lui tendis la feuille pour qu'il y note son nom, son âge et ses possibles... coordonnées. « Bon, je ne vous mens pas, même avec un portrait du type, y'a peu de chances qu'on le retrouve avant ce soir, c'est clair. Ce genre de petits vols on en voit beaucoup dans les grandes villes et les capitales, cependant Kilkee n'est pas très grande, aussi je me porte garant de l'affaire mais faut vraiment me donner le maximum d'indices sur le type. Si on le retrouve je peux vous jurer qu'il va cracher le pognon. En attendant, je vais vous dédommager pour ce soir. » dis-tu en sortant ton porte-feuilles en cuir pour sortir trente euros et les glisser le long du bureau, devant lui. Tu attendis qu'il te tende la feuille pour la consulter.

Soudain, au détour de son nom de famille, la deuxième fois que tu le fixas, tu te rappelas que le même nom de famille revenait souvent dans les rapports de ces affaires d'enlèvements à Dublin. Pas directement, mais c'étaient juste les différentes écoles des gamins de la dame qui faisaient des rapports parce que ces mêmes gamins refusaient, un premier temps, qu'on les appelle par leurs prénoms. Faut dire que la dame était pas réputée pour être très saine d'esprit non plus... Maintenant que tu y songeais, une petite visite dans ces écoles ne ferait de mal à personne, peut-être que le maillon manquant à la chaîne... C'était l'homme que tu avais en face de toi. Haussant un sourcil, tu le fixas lui. « Un lien de parenté avec Sandrine Mitchell par hasard ? » lâchas-tu, l'air innocent. Pourtant, ça ne saurait être qu'une coïncidence. Trop de rapports, trop de preuves véridiques à tes yeux, mais pas assez aux yeux de la justice de l'époque... Cette femme était morte à présent, mais les parents des petits perdus, certes pas. Alors... Tout indice était bon à prendre. Surtout quand ils te pendaient au nez de la sorte.

Que la vérité éclate

02::07::2013

Tu ne pus t'empêcher de rire à la remarque de l'homme en face de toi. Il avait beau ne pas avoir perdu autant, il prit tout de même les billets et te promit de te rembourser. Avec le salaire que tu avais et l'indemnité que te fournissait le Pays-de-Galles, tu n'étais franchement pas à 30 euros près. Et puis tu n'allais pas laisser ce type sans sous, tu n'étais pas inhumain, loin de là. Fallait bien que chacun mange. Bref, quand il te donna des indications sur le voleur, tu pris des notes, pour être sûr de ne pas passer à côté d'un indice. Un aigle, tiens donc, rares étaient les gens qui portaient un tel logo juste comme ça. Il lui semblait bien que ça pouvait être en rapport avec une association étudiante, ou même un club de sport des alentours, voilà qui réglait un petit soucis. L'individu pouvait être un sportif ou avoir participé à des forums ou des portes ouvertes étudiantes. Il jugea qu'il ne devait pas faire plus d'un mètre quatre-vingt et être dans une drôle de situation.

Quoi qu'il en soit, bien qu'on t'ai placé sur l'affaire pour gagner des informations, tu n'allais pas t'en occuper jusqu'au bout, aussi, l'investigation, pour peu qu'il y en ait une, ne t'appartenait plus. En effet, c'est une autre affaire qui t'importait à présent. Car le hasard faisait vraiment trop bien les choses parfois. Comme de t'envoyer un témoin direct sur ces vieux faits sur lesquels tu penchais depuis un moment. C'était presque trop beau pour être vrai.

Il était le fils de cette folle dingue, rien que ça ! Une lueur d'espoir sembla traverser tes yeux, seulement, il y avait pire à voir. Gorge serrée, pupille dilatées, rictus furtif du coin de la bouche, la peur tenait les tripes de ce mec, aucun doute, tu avais passé trop de temps à étudier les mimiques des gens pour ne pas te tromper, en plus c'était ta spécialité, ton métier même. Tu haussas un sourcil, inutile de chercher plus loin, il devait avoir passé une enfance relativement désastreuse. Alexander Mitchell, tu gardas son nom en tête pour enquêter plus tard. Bien que tu ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie, l'occasion était trop belle.

« Je vous en parle parce que j'enquête sur des disparitions d'enfants. Le soucis c'est que le nom de cette femme revient souvent dans des témoignages. Et aussi que ses enfants ont eu, pour la grande majorité, beaucoup d'ennuis. Vous avez eu des frères et sœurs, non ? ». Et là était tout l'enjeu de la question, à savoir si elle avait pris le risque de garder plusieurs enfants en même temps si vraiment elle était coupable... Restait à voir si le grand brun lui répondrait. Qu'il ne réponde ou pas en fait, t'importait peu, tu lirais efficacement sur son visage pour parvenir à tes fins. La compensation pourrait se faire plus tard. « J'aimerais donc savoir si cette femme a pu être à l'origine de divers enlèvements, et qui sait, peut-être que vos vrais parents vous attendent, quelque part. » dis-tu pour finir sur une pointe assez cinglante pour la victime en face de toi réagisse, et se rende bien compte de la gravité de la chose.