La devise du jour : rentrer chez vous au plus tôt (celle de la veille ayant été : ne sortez pas demain). La nouvelle était tombée quelques jours plus tôt et quand bien même ce n’était pas la première fois de l’hiver : rien n’était parfaitement près.  Au compte-goutte, des sacs de sable avaient été remis aux citoyens et commerces qui, hypothétiquement, allaient être au centre de l’action, des vagues, de tout ça. Une poignée de personnes, en somme, qui devaient batailler bien plus que ces pauvres petits africains qui tentaient de récolter un bol de nourriture (de quoi assurer le repas d’une famille entière pour une semaine, répétaient les secours, sourire aux lèvres). La comparaison était certainement mauvaise mais les faits étaient là : face aux eaux, déluge de l’Ancienne Egypte, les habitants de Kilkee n’y pouvaient rien. Absolument rien. Entre Cork et ici, l’histoire était la même. Et ça, au fond, c’était profondément désolant.

***

Confortablement installée dans le sofa, j’écrase les touches de la télécommande, passant de chaîne en chaîne. Pire que le principe du zapping, je laisse défiler les images grisées en me faisant remarquer que, petit un, ça fait bientôt 8 mois que j’ai atterri à Kilkee. Et que, petit deux, à ce rythme-là : le vent va avoir raison de l’antenne télé. Non loin de moi, sur la table basse, mon téléphone se met à vibrer et c’est la voix tremblante de la secrétaire du département des langues qui se fait entendre. Ah ? Je dresse l’oreille, éteins définitivement la télévision avant de rager contre les nouvelles mesures de l’université (et du département) et contre son manque de réactivité. La voilà qui minaude, tente de s’excuser, se contente de marmonner un mais tu sais, on peut tous oublier…. Je grimace, retiens le tutoiement, me dis que je finirai bien par l’égorger avant de porter mon attention au dehors. Je voulais faire en sorte de ne pas mettre les pieds dehors aujourd’hui, elle m’y poussait – comme une tentative de suicide. Je laisse le parapluie de côté, enfile un extra-waterproof trouser, et un imperméable. Imperméable rose bonbon, acheté en solde l’autre jour chez Penneys.

La tentative n’a duré que quelques instants. Apres avoir effectué deux ou trois centaines de mètres – bien trop pour retourner au bercail – le vent s’est emballé (et la pluie aussi). La pluie, surtout. Surprise, redoutant finalement l’inondation (foutue marée haute !), je n’ai pas pris le temps de réfléchir. Une porte de passée : hall d’un immeuble X. Un bouton écrasé : cage de fer de l’ascenseur. Vite qu’on aille se mettre en hauteur. Les portes se ferment. Se rouvrent rapidement suivi des indications en gaélique. Derrière moi, ça grogne, je m’en tamponne : je veux simplement qu’on s’élève.
- Sacrée tempête hein... Je ne pensais pas que ce serait aussi puissant... Il faut espérer que... Ah !   A mon tour de grogner légèrement, je n’ai jamais été friande des conversations intra-ascenseur. Le moins les autres en disent, le mieux je me porte – cette intercalation dans mon espace privé me file de l’urticaire. Je fuis le regard de l’autre blonde, accroche le mien sur les numéros qui défilent. Ne défilent plus. La lumière clignote, s’éteins finalement. Putain. J’aurais dû le savoir – la tempête, c’est comme un incendie : on n’utilise pas les ascenseurs… de peur de mourir (ou rester coincé) dedans.
- Vous... allez bien ? Je ne ferais pas l'idiotie de dire « je crois que nous sommes bloquées »... Trop tard… C'est une certitude... Qu’on lui accorde le prix de Sherlock. Uhm... Enfin... espérons qu'avec toute cette tempête, des personnes compétentes soient disponibles pour nous sortir de là... Et vite.. J’en souffle, tire sur une mèche avant de trouver mon téléphone et d’enclencher le flash. Droit sur la tête de l’autre blonde, je veux savoir à qui on a affaire.

- C’est pas gagné. Sherlock deux : here I am. Ils vont avoir mieux à faire que d’aider quelques imbéciles qui ont pris … l’ascenseur. J’en souffle, peste contre moi-même, n’ai aucune envie d’aider les autres – ce n’est pas dans mes gênes. Mais… Voilà que je m’agite, n’aime pas la situation, bouscule les deux-trois personnes qui campent devant la porte du monstre. - Quelqu’un n’aurait pas des clés de voiture... ? Je me retourne, illumine l’assemblée à la lumière de mon téléphone – désolée (ou presque). Je découvre quelques mines interrogatives, désigne la porte en ferraille, me retiens d’ajouter un « j’ai vu ça dans un film ». - C’est pour tenter d’ouvrir. Apres, si … Soudainement, mon regard happé par le clignotement d’une diode : le doux espoir que procure le bouton « aide », celui avec une alarme dessus. Je l’écrase, me dis qui ne tente rien à rien. Ca ou comment, à vrai dire, trouver le meilleur moyen de faire dos à la populace. Haut les cœurs !

Hj – désolée, vraiment, pour le temps de réponse (et les fautes, je hais ce clavier qwerty)