« Ça doit être la tempête... Ils en ont parlé à la radio ces derniers jours. »

Le cinéma. Sigmund en était fervent. Il aimait plutôt les vieux films en noir et blanc mais il devait admettre que les moyens actuels permettaient de produire des choses fantastiques. Il disposait d'une certaine connaissance du milieu. Pas énorme mais assez pour tenir une conversation et en apprendre aux autres. Lors de son cursus, il avait eu lors de la première année, un cours d'histoire du cinéma et il avait pris beaucoup de plaisir à l'étudier et à assister au cours. Lui était fan du cinéma d'auteur, adorait Hithcock et son univers sombre mais il appréciait également le star système de l'époque et ses vedettes phares comme James Dean ou Marilyn Monroe, sans oublier le surréalisme de Buñuel et Dali dans « Un chien Andalou ». Il lui arrivait régulièrement de se rendre au cinéma seul. Seul, c'était habituel. Ce qui l'était moins, c'était d'aller voir des films en tête d'affiche. Il avait vaguement entendu de bonne critiques sur le film de ce soir, il y allait plus par curiosité qu'autre chose.Une fois de plus, les gouttes de pluie martelaient les routes de la ville et le vent soufflait horriblement fort. Le ciel était d'un noir de jais. Malgré qu'il fasse déjà nuit, on pouvait remarquer d'énormes nuages gorgés d'eau. Cela n'avait pas arrêté Sid', il avait l'habitude de se promener dans des vêtements humides et de trimballer un parapluie partout avec lui.

Confortablement installé dans son siège en velours, Sid grignotait des pop-corn, regardant d'un oeil vide les bandes annonces. Les lumières s'éteignirent et le film commença. Il s'était installé au milieu d'une rangée, sa place favorite. La salle n'était pas pleine, il était surtout entouré de jeunes femmes dont une qui roupillait et qui ne semblait plus toute fraîche. Plus loin, une jeune rousse qui paraissait contrariée et nerveuse. Alors qu'il entrait doucement dans l'intrigue, tout s'éteignit. L'écran, le son, la lumière provenant de la petite pièce de diffusion. Il sursauta sur son siège et attendit un instant, se disant qu'il s'agissait d'un problème technique et que tout allait revenir rapidement. D'un geste rapide, il alluma son smartphone pour s'éclairer, plusieurs personnes firent de même. Il aperçut un homme se lever et passer, se dirigeant vers la porte, avant de se mettre à hurler comme un putois. « Mais il est taré ou quoi... » pensa Sid'. Certes, il ne se sentait pas trop à l'aise dans cette situation et sentir les gens paniquer n'était pas pour le rassurer non plus. La jeune rousse aussi se mit à gueuler, ce qui l'énerva un peu plus. Il prit alors l'initiative de se lever pour se rendre devant le grand écran. Il éclaira son visage avec son téléphone.

- Mesdames et Messieurs calmez-vous ! Nous sommes en sécurité ici. Certes, nous sommes renfermés puisque les portes sont automatiques et que nous ne disposons visiblement plus d'électricité mais rien ne sert de s'emballer. Comme l'a gentiment précisé la jeune fille là-haut, nous n'allons pas mourir. Je suis persuadé que les violentes rafales de vent y sont pour quelque chose. Il continua sa tirade, se voulant rassurant. [/color]Je vous propose de rester à vos places et d'attendre, de toute façon, nous n'avons que ça à faire. Si d'ici une heure nous sommes toujours là, je tenterai de contacter les services d'urgences mais je suis persuadé que le personnel du cinéma met tout en oeuvre pour nous délivrer. Et s'il vous plaît, arrêtez de hurler ![/color]

La foule sembla prendre ses paroles en considération. Bien sûr, tout le monde était en stress ce qui était relativement normal. Mais il n'y avait rien à faire qu'à attendre. La sortie de secours était elle aussi bloquée mais ils n'étaient pas seuls. Pas mal de monde circulait en dehors des salles et ils devaient se douter que tout le monde était renfermé.

Sid' remonta prudemment vers son siège, en arrivant au niveau de la jeune femme rousse, il lui adressa un sourire narquois.

- L'agressivité n'a jamais rien résolu, à ce que je sache, dit-il, plutôt fier de son petit numéro.

Il s'assit à ses côtés, bien décidé à ne pas rester seul sur son siège à s'ennuyer. De plus, elle n'avait pas l'air dégueulasse, ça promettait d'être un petit moment riche en émotions !

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- Vous avez deux minutes pour dégager de cette place à côté de la mienne, ou vous verrez ce que je peux résoudre avec un peu d'agressivité. Et là, il ne vous reste plus qu'une minute et quarante-six secondes.

Sigmund ne put s'empêcher de rire en entendant la jeune femme. Encore une de ces gamines qui se croiyait invincible et qui pensait que la femme est l'égal de l'homme si pas sa supérieure. Sid' était parfois un peu macho. Il comprenait très bien que les femmes aient un tas de droits mais elles avaient aussi des devoirs et il ne pouvait se résoudre à penser qu'elles étaient parfaitement en mesure de vivre sans hommes. Si l'univers était fait de la sorte, c'était pour une raison et pas seulement celle de se reproduire. Cependant il admettait pleinement que les hommes étaient tout aussi incapables de vivre sans femmes, lui le premier. Qui pourrait lui apporter cette once d'humanité si la planète ne comportait que des hommes ? Il serait encore plus pourri et corrompu qu'il ne l'était déjà.

- Tu es une comique à ce que je vois. Tu peux peut-être dominer les hommes qui t'entourent mais t'es tombée sur le mauvais cheval en ce qui me concerne. Alors tu vas rapidement descendre d'un étage et t'acheter un humour. A part ça, je suis enchanté de te connaître. Je suis Sigmund Moriarty, des entreprises du même nom. Dit-il sur un ton plus posé que jamais, ce qui ne lui ressemblait pas. Finalement, la petite rouquine avait bien réussi à l'énerver et il n'avait vraiment pas envie de s'en prendre à une jeune fille de son genre. Elle pouvait avoir le pire caractère du monde, il n'était pas le genre de mec à se laisser marcher dessus et l'humour avait ses limites.

Sigmund s'installa confortablement au fond du siège, jetant un oeil à la salle. Les gens semblaient s'être fait une raison, ils papotaient entre eux, certains s'échangeant des barres de caramel ou des boissons, d'autres en profitaient pour faire connaissance avec de nouvelles personnes. Sid vérifia l'état de sa batterie, elle tiendrait quelques heures encore, ce qui le rassura. Par contre, le réseau était très instable et il n'était pas certain de pouvoir passer une vraie communication, contrairement à ce qu'il avait dit à la foule un instant plus tôt.

- Sans déconner, je suis pas là pour te prendre la tête. J'ai pas envie de rester des heures tout seul à attendre un miracle. T'es la personne qui m'a le plus inspiré dans la salle. Et je dois avouer que tu es plutôt mignonne, ce qui n'est pas négligeable.

Il lui adressa un sourire charmeur, un sourire qu'il avait l'habitude d'adresser à toutes les jeunes femmes qu'il draguait. La plupart du temps, cela fonctionnait mais celle-ci semblait un peu plus dure à cuire. Elle ne se rendait même pas compte qu'elle donnait tout ce que Sid' attendait : du défis. Le challenge, ça l'émoustillait, ça le faisait s'accrocher encore plus. Elle s'était mise dans de beaux draps...

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- C'est cool, on est ravis de l'apprendre. Puis Moriarty, les réfrigérateurs ou je sais pas quoi, on va pas en faire tout un plat, y'a pas de quoi casser trois pattes à un canard.

Non mais elle se foutait de qui cette gamine ? Encore une qui ne sait pas ce que c'est de gagner sa vie, pensa Sid'. Néanmoins, il le prit bien. Après tout, elle apprendrait bien assez rapidement ce que c'est de devoir se faire crever pour vivre.

- En attendant je suis une des plus grosse fortune du Royaume-Uni. Et ça, ça n'arrive pas par hasard.

Il la laissa déblatérer un moment. Il se demandait quand toute cette haine infantile allait cesser. Quelle âge avait-elle au juste ? 20 ans ? 21 à tout casser ? Il était largement temps de passer au dessus de cette crise d'adolescence mythique. Il n'était ni son père ni son mec et elle n'avait donc aucune raison valable de se rebeller, là tout de suite. C'était en voyant des filles comme ça qu'il refusait d'avoir des enfants un jour. Pour ça, il lui aurait fallu une femme, et ça c'était très loin d'être gagné. Les femmes, il n'en voulait pas. Du moins pas sérieusement. Il ne s'imaginait absolument pas partager son quotidien avec l'une d'elles, sa maison, ses passions, ses malheurs... Il avait une femme d'ouvrage pour les tâches qu'il n'était pas capable de faire, faute de temps. Ca lui suffisait amplement. Pour ce qui était du sexe, il finissait toujours bien par trouver une fille pas trop mal pour ramener un soir dans son lit. Il ne faisait pas partie de ces connards qui vous promet monts et merveilles pour vous attirer dans son piège. Non, il se montre clair tout de suite : pas d'amour, pas de partage, que du sexe et des bons moments, le lendemain tu t'en vas. Et bizarrement, la plupart des femmes d'aujourd'hui recherchaient la même chose. Elles vivaient librement, le sexe n'était plus un tabou comme autrefois et elles assumaient leurs désirs. Quelque part, ça avait du bon pour les gens tels que Sigmund.

La seule femme qu'il avait aimé et avec qui il avait envisagé un avenir avait probablement été la pire de toutes. Une femme vénale et profiteuse. A l'époque, il croyait qu'ils vivaient une idylle hors du commun, unique et prometteuse. Il aurait sincèrement tout donné pour cette fille et peut-être même tout abandonné, quitte à foutre sa vie en l'air. Il n'était qu'un jeune homme qui apprenait le métier de son père tout en étudiant et il était loin d'être riche comme aujourd'hui. La fortune appartenait à ses parents et il ne touchait qu'un petit salaire pour ses quelques heures de travail par semaine. Il ne savait pas ce que Célia croyait, à ce moment là. Mais il semblait qu'elle recherchait uniquement la fortune et de quoi s'assurer un avenir doré. Elle ne voyait que par les cadeaux coûteux et les sorties classes, bien trop pour deux jeunes de leur âge. Sid' avait cru, dans un premier temps qu'elle avait bon goût et qu'elle s'avérait plus mûre que la majorité des filles de son âge, ce qui justifiait ses envies d'aller au Spa, dans des restaurants chics ou des hôtels hors de prix. Sigmund tâchait de la satisfaire au mieux mais ce ne fut que de courte durée, son budget ne lui permettant pas d'assumer de telles dépenses ! Célia l'avait largué comme une merde, il n'y avait pas d'autres mots. Elle s'était montrée ingrate et méchante. Aucune reconnaissance et des mots blessants, le tout ayant dégoûté Sigmund pour bien longtemps, trop longtemps ! Il n'avait plus jamais pu faire confiance à une femme, sauf peut-être à Iris, qui s'était toujours montrée douce et digne avec lui.

Alors vous imaginez bien que les enfants étaient le cadet de ses soucis ! De toute façon, il n'aimait pas ces espèces de minuscules monstres brailleurs et sales. Ca vous pompait votre temps, votre énergie, votre argent et une fois grands, ils devenaient tout aussi ingrats que son ex. Vous n'étiez plus que des vieux croûtons inutiles et encombrants à leurs yeux, tout bons à leur filer du fric qu'ils comptaient dépenser dans de la bière. Sigmund n'avait aucunement la fibre paternelle et si par malheur, il foutait une fille enceinte un jour, il s'occuperait personnellement de son cas, quitte à s'improviser médecin si elle se montrait réticente.

- Par contre je ne garantis pas être aussi bavarde, je n'ai pas vraiment envie de discuter, j'ai même plutôt envie de faire la sieste le temps qu'on puisse enfin sortir.

L'esprit ailleurs, le beau blond ne prit pas la peine de lui répondre. A vrai dire, il était trop occupé à regarder son smartphone. Le réseau semblait stable, il avait trois barres. Sid entreprit de composer le numéro des secours, pointant un doigt vers June, lui faisant signe de se taire.
Par miracle, quelqu'un décrocha à l'autre bout de la ligne. Dans un élan de joie et de surprise, Sid se précipita pour expliquer la situation, n'oubliant pas de mentionner le lieu et les problèmes rencontrés. Il précisa que pas mal de personnes se trouvaient dans la salle et que les vivres ne feraient plus long feu, que de plus, les autres salles étaient très certainement bloquées elles aussi. La personne des secours lui répondit calmement de ne pas paniquer et qu'ils étaient au courant, des équipes étaient déjà sur place. Tout cela avait été provoqué par l'orage, il ne restait plus qu'à réenclencher le système électrique du cinéma et qu'un générateur de secours était en chemin. Sid remercia la dame et raccrocha.

- On va sortir de là. Apparemment c'est bien l'orage qui a tout fait péter. Les secours sont là et ils vont utiliser un générateur de secours pour réenclencher le système et nous faire sortir. Ce n'est plus qu'une question de minutes ma jolie, dit-il en se levant, ne manquant pas de déposer un très bref et très rapide baiser dans les cheveux de June. Il descendit devant le grand écran comme plus tôt. Il répété exactement ce que la secouriste lui avait expliqué une minute avant. Les gens poussèrent des soupirs et des cris de joie, réellement soulagé quant à leur sort.

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